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Quels sont les impacts des inégalités sur la croissance ?

  • Photo du rédacteur: louis Marie
    louis Marie
  • 8 févr. 2021
  • 4 min de lecture

Dernière mise à jour : 11 févr. 2021


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La résurgence des inégalités de revenus.


Selon l’OCDE[1], dans les années 1980, les 10% de la population les plus riches avaient un revenu 7 fois supérieur au 10% les plus pauvres ; aujourd’hui c’est 9,5 fois supérieur (dans la zone OCDE). Cela pose, évidemment, le constat de la résurgence des inégalités et nous questionne sur les facteurs explicatifs à ce phénomène.


Des facteurs institutionnels.


En effet, différents facteurs institutionnels ont joué en faveur d’un creusement des inégalités de revenus. On peut d’abord parler de la fiscalité sur les marges supérieures ; Selon E.Saez et G.Zucman[2], aux Etats-Unis, en 1970, les plus riches étaient taxés à plus de 50% de leurs revenus ; en 2018, ils ne l’étaient plus qu’à 23%, quand le reste de la population américaine est imposé autour des 28% (flat-taxe). Ces baisses d’impôts, et presque un dumping fiscal, expliquent déjà une partie du creusement des inégalités. Cependant, d’autres facteurs institutionnels existent, comme l’érosion du syndicalisme dans les années dites « du tournant libéral » (années 80). Durant cette période, incarnée par Reagan ou Thatcher, la lutte syndicale diminue ; les bas salaires sont moins souvent réévalués. Selon le média France Info, en 1950, 30% des salariés étaient syndiqués, aujourd’hui seulement 11% d’entre eux adhérent à un syndicat. On peut également, mentionner le fait que le marché financier participe au creusement des inégalités de revenus. En effet, la présence de forts rendements sur ce marché, qui n’est pas, ou peu, accessible aux ménages les plus pauvres, creuse les inégalités. (La propension à épargner augmente avec le revenu).

La nature du progrès technique, et la mondialisation.


L’apparition, dans les années 90, des NTIC[3] peut aussi expliquer une partie de la hausse des inégalités. Les NTIC ont été et sont encore un progrès technique important. Cependant, si ce progrès représente un potentiel de croissance économique fort, il crée aussi des inégalités. En effet, les secteurs NTIC ont une forte demande de travail qualifié. Mais, parallèlement, l’offre de travail qualifié stagne depuis une vingtaine d’années. Dès lors, les travailleurs qualifiés sont de plus en plus demandés par les entreprises, sans que leur nombre n’évolue significativement. La raréfaction de ces travailleurs provoque une concurrence entre entreprises, ce qui explique une hausse de salaire chez les travailleurs qualifiés. En revanche, le travail non qualifié est peu demandé. Les salaires des travailleurs non qualifiés sont donc tirés vers le bas. C’est le biais du progrès technique. Le travail non-qualifié a comme avantage d’être peu cher. Via la mondialisation, les FIRMES multinationales[4] peuvent délocaliser et obtenir une main-d’œuvre la moins couteuse possible ; ce qui explique, en partie, la concurrence à l’attractivité à laquelle se livrent les états. Par exemple, le dumping social, c’est-à-dire une concurrence afin de bénéficier d’une main d’œuvre peu chère et donc attractive à l’échelle mondiale. Le théorème de Stolper-Samuelson nous explique que la spécialisation accroît les écarts de salaire au sein d’un pays, c’est le « skill-prenium ».


On voit donc que différents facteurs expliquent la résurgence des inégalités, la fiscalité, l’érosion syndicale, la nature du progrès technique (NTIC) ou encore la mondialisation. Mais alors, quels impacts sur l’activité économique les inégalités de revenus ont-elles ?


Les inégalités de revenus comme frein à la croissance.


Si certaines théories économiques nous expliquent que les inégalités sont nécessaires à la croissance, des économistes remettent en question cette vision des choses. Ils pointent du doigt notamment un impact sur le lien social des inégalités de revenus, et des conséquences économiques, ainsi que des effets des inégalités sur la dette privée.

La dégradation du lien social.


Selon différentes études, comme celles d’épidémiologistes anglais, Pickett et Wilkinson[5], la hausse des inégalités de revenus dans un pays a un impact néfaste sur le lien social[6] ; cette érosion affecte la santé psychologique de la population, ayant pour conséquence la baisse de la productivité individuelle, ce qui nuit à l’économie. Des relations sociales conflictuelles peuvent en émerger, à l’image de la crise des gilets jaunes ; cette crise sociale que le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, qualifiait de « catastrophe pour l’économie » aurait selon les estimations de l’INSEE[7] fait perdre 0,2% de croissance en France. De plus, un lien social dégradé favorise l’instabilité politique, ce qui n’est pas favorable aux investissements. Il est intéressant aussi de noter, que pour certains sociologues, la crise des gilets jaunes s’explique par l’érosion du syndicalisme au cours des dernières décennies ; en effet, le syndicalisme ne jouait plus, selon eux, le rôle de soupape face aux tensions sociales.


La dette privée des ménages.


Selon l’économiste, Gael Giraud, il existe un lien entre l’accroissement des inégalités et l’augmentation de la dette privée des ménages. Les ménages les plus pauvres, pour maintenir leur niveau de vie, ont recours à l’emprunt. Cela augmente la dette privée des ménages les plus défavorisés ; celle-ci, quand elle dépasse un certain seuil, devient insoutenable et nuit à la croissance. Cela menace la stabilité économique ; la dette privée des ménages est d’ailleurs un facteur explicatif de la crise des Subprimes. Les inégalités de revenus, qui conduisent à des difficultés de financement chez les plus pauvres, ont tendance à se répercuter sur l’accès à l’instruction (ainsi que la réussite scolaire), et donc sur la quantité de capital humain, nécessaire à la croissance. La consommation, notamment celle des ménages, qui est l’un des débouchés macroéconomiques de la croissance, est impactée avec l’accroissement des inégalités de revenus.


On comprend finalement, que certains économistes affirment qu’il est nécessaire de réduire les inégalités. Notamment, via des analyses au sujet du lien social ou encore de la dette privée des ménages.

En résumé les inégalités de revenus, ont augmenté depuis 1970 ; différents facteurs expliquent cela : des facteurs institutionnels, ainsi que la mondialisation et la nature du progrès technique. Certaines analyses, bien qu’elles ne fassent pas consensus chez les économistes, montrent que les inégalités de revenus affectent négativement l’activité économique. Notamment, parce que les inégalités de revenu dégradent le lien social et augmentent la dette privée des ménages les plus défavorisés ; ce qui nuit à l’économie.

[1] Organisation de coopération et de développement économiques.

[2] Dans l’ouvrage Le triomphe de l’injustice. [3] Nouvelles technologies de l'information et de la communication. [4] Entreprises commerciales ou industrielles présentes dans différents pays. [5] Dans l’ouvrage The Spirit Level. [6] C’est-à-dire, la force qui unit les habitants d’un pays (leurs relations…). [7] Institut national de la statistique et des études économiques.

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